LES ANTI-NUTRIMENTS ET LES INHIBITEURS D’ENZYMES DANS L'ALIMENTATION : POURQUOI LES ÉVITER ?
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LES ANTI-NUTRIMENTS ET LES INHIBITEURS D’ENZYMES DANS L'ALIMENTATION : POURQUOI LES ÉVITER ?

Thierry Casasnovas
L'ÉQUIPE RGNR
15/02/2024
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Il existe différents anti-nutriments et les inhibiteurs d’enzymes présents dans les végétaux. Parmi ceux-ci se trouvent des substances plus ou moins nocives qui peuvent entraver l’assimilation des nutriments utiles, entraîner des troubles divers (malabsorption,, inflammation intestinale, réactions immunitaires, calculs) ou même posséder des effets toxiques lorsqu’ils sont ingérés en trop forte quantité. Quels sont les plus connus et comment éviter leurs méfaits ?

LES PRINCIPALES SUBSTANCES À RETENIR

Les anti-nutriments sont des substances qui, une fois consommées, forment des complexes avec certains minéraux, ce qui empêchent leur absorption. Ces substances sont un système de défense qui permet à la plante de repousser les prédateurs en attendant le moment de leur germination. 

Les inhibiteurs d’enzymes sont des substances qui diminuent l’activité des enzymes. Comme l’activité enzymatique n’est pas bienvenue à tout moment et en tout lieu, la nature en a créé un grand nombre. Lorsque ces substances se lient à une enzyme pour en bloquer l'activité, cela entraîne en conséquence une diminution de l’absorption des nutriments. Les inhibiteurs d’enzymes sont donc indirectement des anti-nutriments.

Leurs propriétés ? L’acide oxalique peut se combiner avec certains minéraux comme le calcium, le fer ou encore le magnésium dans l’organisme. Cela a pour conséquences d’empêcher l’absorption de ces minéraux et de former des complexes appelés « oxalates ». Ces oxalates forment de petits cristaux qui se déposent partout dans le corps, et lorsque ces cristaux deviennent plus importants, ils sont à l’origine des calculs rénaux. Environ 80 % des calculs rénaux seraient formés à partir d'oxalates de calcium. Attention, les calculs à base d’oxalates de calcium se sont formés à partir du calcium circulant dans le sang, c’est-à-dire déjà absorbé, et non du calcium dans les intestins, c’est-à-dire non-absorbé. Lorsque l’acide oxalique se lie au calcium dans les intestins, les oxalates de calcium ne peuvent pas être absorbés car ils forment des sels insolubles, donc ils ne peuvent pas former de calculs car ils sont directement éliminés par les selles. Ainsi, lorsque l’on consomme un aliment pour son calcium, il ne faut pas regarder son taux de calcium, mais le taux d’absorption du calcium : plus la teneur en acide oxalique est importante, plus son absorption est moindre. Par exemple, le cresson a un taux de calcium absorbable supérieur à celui des épinards alors qu’il contient moins de calcium.

Où en trouve-t-on ? L’acide oxalique est présent dans de nombreux aliments frais, mais ceux qui en contiennent le plus (200 mg/portion) sont les épinards crus ou cuits, les blettes crues ou cuites, les betteraves cuites, les patates douces cuites, le soja (en lait, tofu et yaourt), la rhubarbe, les figues sèches, les amandes, les graines de sésame. On citera aussi ceux qui en contiennent plus de 10 mg/portion : le céleri cru, la carotte crue, les haricots (verts, blancs, jaunes), le poivron cru, le pissenlit cuit, les lentilles cuites, la chicorée crue, l’aubergine cuite, la tomate crue ou en conserve, le chou cavalier cuit, les feuilles de moutardes crues, la framboise, les groseilles, le kiwi, les mûres, les myrtilles, le raisin noir et les figues fraîches, les cacahuètes, les noisettes, les noix de pécan, les pistaches, le sarrasin, la farine de blé, le seigle, le chocolat noir, le thé. En bien moindre mesure, on en trouve dans beaucoup d’autres aliments (brocoli, choux, laitue, asperge etc.). 

Qui doit les éviter ? Les personnes qui ont des troubles rénaux (néphrite), de la goutte, de la polyarthrite rhumatoïde, des douleurs vulvaires chroniques, une dysbiose intestinale, une porosité intestinale, qui ont subi une opération chirurgicale de retrait d’une partie de l’intestin grêle, les personnes déjà carencées en calcium, fer, magnésium ou potassium.

Comment limiter leur accumulation ? le trempage de 12 à 24 heures pour les produits secs, la fermentation des produits frais, la cuisson à l’eau en jetant l’eau, la consommation de beaucoup d’eau en parallèle, la consommation d’aliments riche en calcium en parallèle afin de former des oxalates de calcium insolubles directement éliminés par les selles, la consommation de flavonoïdes (catéchines) qui diminuent l’assimilation des oxalates, la consommation des épinards en automne car ils contiennent moins d’oxalates qu’en été.

Leurs propriétés ? Les lectines sont des glycoprotéines, appelées aussi « protéines collantes » car elles peuvent se lier aux glucides de leurs prédateurs. Ce phénomène provoque des réactions toxiques et inflammatoires pour dissuader les prédateurs de les manger. La lectine la plus célèbre est le gluten. Elles sont aussi classées comme anti-nutriments car elles se lient aux cellules épithéliales qui constituent notre barrière intestinale ce qui perturbe l’absorption de certains nutriments comme le calcium, le fer, le phosphore et le zinc. Les conséquences sont la porosité intestinale, l’inflammation digestive, des réactions de type auto-immune jusqu’aux troubles neurologiques.

Où en trouve-t-on ? Les lectines sont présentes dans la grande majorité des aliments mais ceux qui en contiennent le plus sont les légumineuses (fèves, lentilles, pois chiches, petits pois, soja), les céréales (avoine, blé, boulgour, épeautre, kamut, maïs, orge, riz, seigle), les pseudo-céréales (quinoa et sarrasin), les noix et graines (cacahuète, chia, graines de courge, noix de cajou, graine de tournesol), les solanacées (tomate, aubergine, poivron, pommes de terre, piment) et les cucurbitacées (pastèque, melon, concombre, courge, courgette). C’est pourquoi les aliments les plus riches en lectines (légumineuses, céréales, pomme de terre, aubergine) sont repoussant pour nous s’ils sont crus. Concernant les autres aliments crus riches en lectines, ils ne sont pas repoussants car ils contiennent des types de lectines bien tolérés par notre organisme. Par exemple, la tomate contient la lectine lycopersicon esculentum agglutinin qui ne provoque aucune réaction contrairement à la lectine phytohémagglutinine des haricots crus (diarrhée, vomissement).

Qui doit les éviter ? Les personnes qui ont une dysbiose intestinale, une porosité intestinale et autres troubles intestinaux chroniques (syndrome de l’intestin irritable), les personnes déjà carencées en calcium, fer et zinc. 

Comment les limiter ? l’épluchage et l’extraction des pépins pour les produits frais, le trempage de 12 à 24 heures pour les produits secs, la germination sur plusieurs jours des toutes les graines, la fermentation des produits frais et secs, la cuisson longue sous pression et supérieure à 100° C pour les produits frais et secs (la cuisson au four ou au grill peut augmenter la quantité de lectines).

Leurs propriétés ? L’acide phytique sert de stockage du phosphore et de différents minéraux chez les végétaux. L’acide phytique peut former des complexes avec certains minéraux comme le calcium, le zinc, le fer non héminique, le magnésium et le cuivre, ce qui en diminue leur absorption. Lorsqu’il est lié à un minéral, on l’appelle « phytate ». Les phytates diminuent aussi l’activité des enzymes digestives impliquées dans la dégradation des protéines et de l’amidon, ce qui induit des troubles digestifs. Toutefois, l’acide phytique a aussi des propriétés antioxydantes ainsi que des propriétés anti-inflammatoires. 

Où en trouve-t-on ? L’acide phytique est acide qui se trouve principalement dans les produits secs : l’enveloppe (le son) des céréales, des légumineuses, des noix et des graines. On en trouve aussi dans le soja et certains tubercules (patate douce, le topinambour ou le manioc). 

Qui doit les éviter ? Les végétariens et les végétaliens qui consomment trop de céréales, de légumineuses, de noix et de soja, les personnes déjà carencées en fer, en zinc, en calcium et en magnésium.

Comment limiter leur accumulation ? le trempage de 12 à 24 heures, la germination sur plusieurs jours de toutes les graines, la fermentation, la cuisson longue sauf pour le soja, le raffinage .

Leurs propriétés ? En tant qu’inhibiteurs d’enzymes, ils s’attaquent aux protéines, c’est pourquoi la consommation d’un aliment riche en tannins nous donne une sensation d’astringence et de r'peux dans la bouche car ils inactivent les protéines lubrifiantes de notre salive. C’est de cette manière que les plantes repoussent les prédateurs de les manger. Les tannins se lient également au fer ce qui diminue leur absorption par l’organisme. Pourtant les tannins sont aussi utilisés pour leurs propriétés thérapeutiques : en petite quantité, ils sont antiseptiques et ils font partie de la famille des polyphénols, des antioxydants qui nous protègent des radicaux libres. À dose élevée, les tannins deviennent toxiques, voire mortels. Contrairement aux autres anti-nutriments et inhibiteurs d’enzymes, il n’existe pas de procédés permettant de diminuer la quantité de tannins d’un aliment. Le meilleur moyen d’éviter leur surconsommation est de ne pas manger de fruits non-mûrs. Pour anecdote, Thierry s’est retrouvé à avoir des douleurs digestives et hépatiques terribles après avoir mangé un kaki muscat pas mûr.

Où en trouve-t-on ? Si les inhibiteurs d’enzymes sont surtout présents dans les produits secs, les tannins eux sont aussi présents dans les produits frais. Ils existent quasiment dans tous les végétaux avec plus de 9000 variétés différentes. Mais les tannins sont surtout présents en grande quantité dans les fruits non-mûrs, le thé, le café, le vin rouge, le chocolat noir et les épices. 

Qui doit les éviter ? Les personnes qui consomment trop de fruits non-mûrs, de thé, de café, de vin rouge, de chocolat noir et d’épices. 

Comment limiter leur accumulation ? éviter la consommation de fruits non-mûrs.

Leurs propriétés ? Comme tous les anti-nutriments, les saponines servent très probablement de défenses des plantes contre les prédateurs et les agressions microbiennes. Tantôt bénéfiques avec des propriétés antivirales, tantôt toxiques, elles entraînent une détérioration progressive de la muqueuse intestinale. C’est pourquoi elles donnent un goût amer et astringent à certains végétaux pour repousser leur consommation. 

Où en trouve-t-on ? Les saponines se trouvent principalement dans les certaines solanacées (tomate surtout si elles sont vertes, aubergine, pommes de terre), les légumineuses (haricots, lentilles, pois chiches, petit pois, soja), les pseudo-céréales (quinoa et sarrasin), les épinards, les asperges, les ch'taignes (ou Marron d’Inde), l’ail.

Qui doit les éviter ? Les végétariens et les végétaliens qui consomment trop de pseudo-céréales, de légumineuses et de pommes de terre.

Comment les limiter ? L’épluchage, le trempage de 12 à 24 heures, la fermentation lactique, la cuisson à l’eau.

FAUT-IL EXCLURE LES VÉGÉTAUX QUI EN CONTIENNENT ?

Ça dépend ! Si vous faites partie des personnes à risque de développer des effets secondaires importants, il est préférable de les bannir de votre alimentation le temps de rétablir vos faiblesses. Autrement, pour les personnes en bonne santé qui adoptent une alimentation physiologique non transformée, ces substances ne sont pas en quantité suffisante pour exercer des effets délétères, la plupart étant évacués par l’organisme. Vous l’aurez toutefois remarqué, ces substances sont surtout présentes dans les aliments qui ne nous attirent pas lorsqu’ils sont crus : céréales, légumineuses, pomme de terre, aubergine. On peut ainsi en déduire que nous ne sommes pas adaptés pour consommer certains végétaux tels que les céréales et des légumineuses. C’est seulement gr'ce à la cuisson que l’humain consomme ces aliments. Le médecin britannique John Yudkin déclarait d’ailleurs « Les céréales ne sont pas le socle de l’alimentation humaine mais plutôt un aliment nouveau pour l’Homme apparu au néolithique ». Enfin, si vous bannissez les rares produits frais qui contiennent certains anti-nutriments, vous risquez de vous priver :

  • des autres grandes richesses des végétaux : minéraux, oligo-éléments, enzymes, antioxydants, chlorophylle, énergie vitale etc. 
  • des propriétés bénéfiques ou thérapeutiques des anti-nutriments lorsqu’ils sont ingérés à faible dose : les tannins ont des propriétés antioxydantes, l’acide phytique aurait des effets protecteurs contre certaines maladies, les saponines ont des effets cardioprotecteurs, une alimentation dépourvue de lectine favoriserait l’apparition d’allergies diverses etc. 

DES JUS ET SMOOTHIES NÉFASTES À CAUSE DES OXALATES ?

Un acteur de la santé a alerté sur le danger de consommer trop de jus et de smoothies car ils contiennent des niveaux élevés d’oxalates. Y a-t-il de réelles raisons de s’alarmer ? Notre réponse est non. Premièrement, seule une liste limitée d’aliments crus et utilisables dans les jus et smoothies sont concernés : ce sont d’abord ceux de la famille des chénopodiacées (épinards et blettes) puis, en moindre mesure, le céleri, la carotte et le poivron. Si vous n’avez pas de dysbiose majeure et si vous n’abusez pas de purs jus d’épinards (1500 mg d’oxalates pour 100 g) ou de blettes (920 mg d’oxalates pour 100 g) en les buvant tous les jours et en trop grosse quantité, il n’y a pas de raison de s’inquiéter. Deuxièmement, lorsque vous faites un jus ou un smoothie à base d’épinards, il est très fréquent d’ajouter d’autres produits qui apportent de l’eau. La concentration en acide oxalique n’est jamais élevée lorsqu’il y a beaucoup d’eau. De surcroît, il a été démontré que l'apport hydrique diminuait les risques de formation de calculs à base d’oxalates de calcium¹. Pour réduire davantage l’impact des oxalates, n’hésitez pas à y associer des aliments riches en calcium. Nous avons toujours constaté que l’ajout de jus de légumes a toujours été bénéfique en matière de santé. Certes, il existe quelques exceptions avec des cas de néphrite ou autres troubles rénaux suite à la consommation de trop grande quantité d’oxalates. Mais rappelons que ces cas apparaissent chez des personnes sujettes à des troubles digestifs chroniques (hyper-perméabilité intestinale, dysbiose suite à une antibiothérapie etc.). 

¹ Source : Increasing water intake by 2 liters reduces crystallization risk indexes in healthy subjects, 2011 (Viviane de La Guéronnière et al.) / Urinary volume, water and recurrences in idiopathic calcium nephrolithiasis: a 5-year randomized prospective study, 1996 (L Borghi et al.) / Evidence justifying a high fluid intake in treatment of nephrolithiasis, 1980 (C Y Pak et al.)


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