DISTINGUER LE BON DU MAUVAIS STRESS
Le stress aigu ou ponctuel
La réaction de stress est un mécanisme adaptatif vital de notre organisme qui lui permet de répondre avec force et une grande efficacité à une contrainte extérieure qui le mettrait en danger. Le stress n’est pas toujours néfaste pour notre santé et pour notre cerveau. Le stress ponctuel ou aigu, c’est-à-dire un stress de quelques secondes à quelques heures, est considéré comme un stress bénéfique qui peut renforcer notre immunité et notre capacité à combattre les indésirables. Au niveau physiologique, le stress ponctuel augmente la libération d’adrénaline dans le corps. Le cerveau envoie alors un signal qui active notre rate dans le but de libérer des cellules immunitaires, des cellules tueuses qui combattent les microbes indésirables. C’est ce que nous répétons régulièrement concernant la loi de l’hormèse car elle s’appuie sur des stress ponctuels et physiologiques afin de renforcer notre immunité et notre santé. Parmi ces stress bénéfiques, on cite :
- l’exposition volontaire au froid,
- le jeûne,
- certaines techniques de respirations (Tummo, Wim Hof, Buteiko, etc.)
- l'entraînement fractionné de haute intensité (ou HIIT).
Concernant l’impact sur notre cerveau, le stress aigu est un « nootropique », cela signifie qu’il est capable d'augmenter nos fonctions cognitives. Comme nous l’avons vu dans le précédent numéro, le jeûne participe à la santé du cerveau en produisant des cétones, un carburant alternatif pour les cellules cérébrales qui produisent davantage d’énergie que le glucose. L’exposition au froid, quant à elle, a des effets protecteurs contre les traumatismes cérébraux et les maladies neurodégénératives. Lorsque vous êtes exposé(e) au froid, le corps libère des cold shock proteins (CSP), des protéines qui sont directement liées à la régénération des synapses dans le cerveau humain. Il a également été démontré que l’exposition au froid augmente considérablement les taux de noradrénaline, et que cette dernière augmente non seulement la plasticité synaptique mais active aussi les précurseurs neuronaux auto-régénérants tels que les cellules souches cérébrales. Concernant les techniques hormétiques de respiration (hyperventilation volontaire), elles reproduisent la réponse au stress car les mouvements rapides du diaphragme provoquent également la libération d’adrénaline par les glandes surrénales.
Le stress chronique ou de longue durée
Le stress chronique ou de longue durée, c'est-à-dire de plusieurs jours à plusieurs années, est considéré comme néfaste. L'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS), considéré comme le circuit du stress, va libérer de l’adrénaline mais aussi des hormones telles que le cortisol, lorsque nous faisons face au stress. Des niveaux élevés et constants d’adrénaline et de cortisol dans le corps pendant de longues périodes vont faire des ravages sur le cerveau et même jusqu’à l’ADN. Ils entraînent notamment une diminution de la taille du cerveau avec une perte des connexions synaptiques et un rétrécissement du cortex préfrontal, une région du cerveau impliquée dans la prise de décision, la concentration, l'interaction sociale et le jugement. L’architecture cérébrale est aussi altérée avec une augmentation de l’activité et des connexions neuronales dans l’amygdale, la partie du cerveau qui régule nos actions face à la peur. L'amygdale va alors devenir très réactive, va surinterpréter les menaces et favoriser l'agressivité. Les signaux électriques vont aussi se détériorer dans l’hippocampe, une région du cerveau associée à l’apprentissage, la mémoire et la gestion du stress. À cause des dég'ts dûs au stress, notre cerveau va avoir de plus en plus de mal à gérer le stress : c’est un cercle vicieux. Les fonctions cérébrales sont donc perturbées et les risques de maladies mentales augmentent.
COMMENT LIMITER VOTRE STRESS CHRONIQUE ?
Changer sa perception
Avant que les centres qui contrôlent les réponses périphériques du stress ne soient activés, la première étape de la cascade qui engendre les réponses biologiques au stress est l'interprétation subjective du stimulus. Comme nous n’avons pas tous la même manière de percevoir et interpréter les événements de la vie, nous n’avons pas les mêmes réactions de stress. Si nous donnons un sens ou une signification différente à un événement, nous pouvons transformer notre biologie. Par exemple, une personne peut très bien vivre une prise de parole en public comme un événement stressant, quand une autre peut la vivre comme une opportunité. Hans Selye, pionnier des études sur le stress, distingue eustress, le stress agréable qui accompagne généralement la réussite après un effort, et détresse (dys stress) qui entraîne de la frustration et de la colère. Des chercheurs tels que Holroyd, Lazarus et Folkman, ont travaillé sur la physiologie de cette distinction entre émotions positives ou négatives face au stress. Ils ont observé que la menace (le dys stress) est associée à deux facteurs : l’augmentation des catécholamines dans le sang et la libération de cortisol ; tandis que le défi (l’eustress), perçu comme positif, n’est associé qu’à une augmentation du niveau des catécholamines. Si les catécholamines sont présentes dans toutes les formes de stress, en revanche il semble que le cortisol soit par excellence l’hormone du stress négatif, de la détresse. Par conséquent, ceux qui perçoivent une épreuve comme une menace vont générer chroniquement du cortisol.
Augmenter sa fenêtre de tolérance au stress
Inventé par Daniel Siegel, le terme « fenêtre de tolérance » ou « seuil de stress » décrit comment notre esprit et notre corps réagissent face au stress. Autrement dit, ce terme évoque notre capacité à tolérer le stress. Lorsque nous avons atteint un certain seuil, nous n’arrivons plus à tolérer le moindre stress. Notre fenêtre de tolérance est façonnée par nos expériences de vie, et celle de chaque personne est unique. Les expériences traumatisantes peuvent réduire notre fenêtre. Comment augmenter sa fenêtre de tolérance à l’inverse ? Premièrement, comme nous le répétons régulièrement, en augmentant sa capacité adaptative avec la loi de l’hormèse. Cette loi dit qu’un organisme vivant qui est exposé ponctuellement à un stress ou à une contrainte physiologique dans lequel l’organisme sort modérément hors de sa zone de confort, et qui est suivi d’un temps d’intégration suffisant, va voir sa capacité adaptative augmenter. Nous avons évoqué dans le premier paragraphe les exemples de stress aigu bénéfiques. Deuxièmement, on cite aussi le soutien social, le sentiment de sécurité et les outils pour faire face à nos sentiments pour élargir notre seuil de stress. Enfin, on cite aussi notre capacité à dissocier volontairement le corps de l’esprit, par exemple, en essayant de calmer l’esprit alors que le corps affronte le stress.
Se confronter à un stress ponctuel intense
Une récente étude de 2021 sur des souris montre qu’une contrainte (stress) ponctuelle et intense, 5 minutes par jour, permettrait de renverser les effets du stress chronique et de la présence chronique de glucocorticoïdes. Cette étude n’a pas été transposée à l’humain, mais elle tend encore à nous confirmer davantage les bénéfices d’un stress ponctuel adapté selon le principe de la loi de l’hormèse. Pour connaître la liste des contraintes physiologiques ponctuelles à utiliser, nous vous renvoyons vers le premier paragraphe1.
Augmenter son taux d’ocytocine
La plupart des stratégies anti-stress visent à freiner l’activité cortisolique, mais nous pouvons aussi agir en stimulant une hormone antagoniste du cortisol : l’ocytocine. Quand l’ocytocine augmente, le cortisol diminue. Ainsi, l’ocytocine est une hormone qui a une activité « antistress ». Contrairement au stress qui stimule le système nerveux sympathique, l’ocytocine active le système parasympathique, qui favorise l’apaisement et le contact social. L’ocytocine se libère facilement par un toucher chaleureux et régulier, ce que réalisent les massages. Le Pr K. Uvnäs Moberg observe que l’exercice physique diminue la tension artérielle et le taux des hormones de stress, en fournissant de l’ocytocine, car l’activation des nerfs sensitifs dans les muscles et les articulations libère de l’ocytocine dans le cerveau, augmentant la production de certaines endorphines. Il faut savoir aussi que des neurones contenant de la sérotonine stimulent la libération de l’ocytocine, donc que la hausse de la sérotonine augmente indirectement le taux d’ocytocine circulante. Le meilleur moyen d’augmenter votre taux de sérotonine est de faire des activités qui vous procurent du plaisir et du bien-être !
Avoir des relations sécurisantes et de confiance
Une étude menée par James Coan, un neuroscientifique de l’Université de Virginie, a évalué le rôle des relations sociales dans la régulation des réactions émotionnelles face à différents facteurs de stress2. 16 femmes mariées ont été exposées à la menace d’un choc électrique en tenant la main de leur mari, la main d’un homme expérimental anonyme, ou aucune main. Les résultats ont indiqué une atténuation généralisée de l’activation dans les systèmes neuronaux soutenant les réponses émotionnelles et comportementales à la menace lorsque les femmes tenaient la main de leur mari. Une atténuation plus limitée de l’activation dans ces systèmes s’est produite quand ils ont tenu la main d’un étranger. Ce qui est le plus frappant, c’est que les effets de la main du conjoint sur les réponses aux menaces neuronales varient en fonction de la qualité du mariage. Nous pouvons en conclure que plus vous avez des relations épanouies et de qualité, plus l’atténuation du stress est importante.
Se couper des informations anxiogènes
Guerre, confinement, épidémie, complot politique, coupure d’électricité, possible pénurie alimentaire, catastrophe naturelle… Toutes ces informations anxiogènes pour lesquelles vous ne pouvez pas vraiment agir vont alimenter votre stress chronique, même si vous n’en avez pas conscience. Alors rappelez-vous cette information pour vous inciter à porter votre attention sur des activités, des personnes et des informations positives.
La méditation
La méditation augmente notre résilience face au stress et aux événements difficiles. L’équipe de Richard Davidson a observé que l’entraînement à la méditation peut améliorer la réponse émotionnelle en réduisant la réactivité de l’amygdale, cette zone du cerveau qui réagit au stress³.
Miser sur une bonne hygiène de vie
Faire de l’exercice régulièrement : La recherche montre que si l’exercice augmente dans un premier temps la réponse au stress dans le corps, nous obtenons par la suite des niveaux inférieurs de cortisol et d’adrénaline une fois l’exercice physique terminé. Chaque fois que nous bougeons notre corps, un certain nombre de neurotransmetteurs, comme la dopamine, la norépinéphrine, la sérotonine et l’acétylcholine, est libéré dans notre cerveau. Ces substances peuvent diminuer les sentiments d’anxiété et de dépression. Enfin, l’exercice force les systèmes du corps qui sont tous impliqués dans la réponse au stress à communiquer beaucoup plus étroitement que d’habitude. Donc, plus nous devenons sédentaires, moins notre corps est efficace pour répondre au stress. L’exercice physique demeure ainsi l’outil le plus puissant contre le stress chronique.
Respecter les rythmes chronobiologiques : notre corps connaît plusieurs horloges internes, telles que le rythme circadien, qui va déterminer la sécrétion hormonale tout au long de la journée, les variations de la température corporelle, le rythme veille-sommeil, etc. Le rythme circadien est fortement influencé par les variations naturelles de la lumière du soleil. Or nos modes de vie sont ajustés à notre ordre social, de plus en plus en décalage avec ces rythmes naturels du fait de la technique, de l’éclairage nocturne et des déplacements rapides (train, avion). Ce décalage impose un stress à notre organisme et altère la qualité de notre sommeil. Comme nous l’avons vu dans le magazine n°13 sur le sommeil, il existe des techniques pour favoriser un bon sommeil. On cite l’importance de sortir regarder le lever du soleil afin de synchroniser l’horloge circadienne, d’augmenter sa température corporelle en journée gr'ce au bain froid (qui induit ensuite une thermogénèse) ou à l’activité physique, en se levant et en mangeant à des horaires fixes, en évitant les écrans le soir, en se couchant tôt afin d’obtenir des stades de sommeil profond de début de nuit, etc.
Avoir une bonne alimentation : une bonne alimentation permet à l’organisme de développer des bonnes défenses immunitaires, de bons échanges entre les différents systèmes et organes, une bonne fonction cérébrale qui nous permet d’être plus résilients face au stress. Les nutriments ainsi que les antioxydants luttent contre le stress oxydatif. Pour connaître tous les rudiments d’une bonne alimentation, nous vous renvoyons vers nos deux numéros sur l’alimentation.
Les plantes médicinales
- L’ashwaganda (Whitania somnifera) : centrale dans la médecine ayurvédique, cette plante adaptogène régule et réduit les niveaux de cortisol dans l’organisme. Son principe actif est concentré dans ses racines, consommées le plus généralement en poudre.
- L’Eleuthérocoque (Eleutherococcus senticosus) : utilisée depuis des millénaires en médecine traditionnelle chinoise, cette plante adaptogène contient des éleuthérosides qui semblent inhiber l’élévation des corticostéroïdes, des hormones qui interviennent dans la réponse au stress.
- La rhodiola (Rodhiola rosea) : également adaptogène, cette plante est aussi efficace contre le stress chronique. Des études sur les rats ont montré qu’elle semble augmenter les taux de sérotonine et de dopamine.
- Le CBD (Cannabidiol) : une fois isolé, ce principe actif (mais non psychotrope) du cannabis agit contre le stress en se fixant sur le récepteur CB1 de notre système endocannabinoïde, dont le but est de favoriser le retour à l'homéostasie.
- Le basilic sacré (Ocimum sanctum) : les phénols de cette plante ont une action apaisante sur tout l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Consommée en huile essentielle diluée, elle permet de réguler le taux de cortisol.
LA RÉSILIENCE AU STRESS SE CONSTRUIT AUSSI DANS LA PETITE ENFANCE
Plusieurs études sur des humains et des animaux ont montré que des soins maternels cohérents et efficaces dans l’enfance augmentent la capacité des petits à gérer les facteurs de stress futurs tout au long de leur vie, en développant plus de récepteurs au cortisol dans le cerveau⁴. Ces récepteurs permettent de récupérer le cortisol circulant et de mieux tolérer le stress. En revanche, les soins maternels déficients favorisent des réactions exagérées au stress, plus tard dans la vie. La séparation d’avec la mère, surtout si elle est récurrente, favorise également une hyper-réaction face au stress, dans la vie future. Ainsi, les petites filles élevées par des mères peu attentionnées deviennent elles-mêmes des mères peu attentionnées à l’'ge adulte. Dans ce cercle vicieux, des niveaux élevés d’anxiété et des problèmes de santé à long terme peuvent être transmis aux générations futures à travers ces marques épigénétiques. Heureusement, ces marques épigénétiques ne sont pas aussi stables que les scientifiques le pensaient. Les études sur les rats démontrent que les interventions en début de vie peuvent être essentielles pour inverser les conséquences d’un environnement moins stimulant. Par exemple, élever un enfant né d’une mère peu attentionnée dans un environnement plus nourrissant permet à nouveau une production accrue de récepteur à cortisol. Si l'individu n’a pas eu la possibilité de développer ce sentiment de sécurité vis-à-vis de ses figures d’attachements, il semble présenter une certaine dissociation entre la perception du stress vécu et la réponse de l’axe HHS.
COMMENT GÉRER LE STRESS EN TEMPS RÉEL ?
Le soupir physiologique
Quand nous sommes stressés, les petites alvéoles présentes dans nos deux poumons vont s’effondrer. Le dioxyde de carbone s’accumule alors dans notre sang et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous nous sentons aussi agités et nerveux. Il existe une technique respiratoire qui permet d’évacuer ce dioxyde de carbone afin de calmer le stress en temps réel : le soupir physiologique. Dans le numéro précédent, nous l’avons rapidement évoqué : ce n’est pas une profonde inspiration suivie d’une profonde expiration, mais ce sont deux inspirations consécutives suivant d’une longue expiration. Avez-vous d’ailleurs remarqué que lorsque nous pleurons à chaudes larmes, notre corps effectue spontanément ce soupir physiologique ? Mais nous pouvons également l’utiliser volontairement car c’est une technique très puissante pour calmer le stress en temps réel. En effet, lorsque nous faisons une double expiration, notre corps regonfle les alvéoles pulmonaires. Puis, quand nous finissons par la longue expiration, cette dernière va alors être beaucoup plus efficace pour débarrasser le dioxyde de carbone de notre sang, ce qui nous détend très rapidement. Vous pouvez faire 10 à 15 cycles en faisant la double inspiration par le nez et l’expiration par la bouche. Lorsque nous faisons une double inspiration (tout comme lorsque nous faisons une double expiration), cela entraîne aussi un rel'chement de la m'choire, ce qui nous permet de mieux parler. Pour finir, faire des cycles de respiration en accentuant l’expiration va permettre de ralentir le rythme cardiaque.
La cohérence cardiaque
La cohérence cardiaque représente un état particulier de la variabilité cardiaque (capacité qu’a le cœur à accélérer ou ralentir pour s’adapter à son environnement) qui permet de réduire le stress. Elle peut être obtenue de plusieurs façons, mais notamment via la respiration. Pour appliquer cette méthode, on retiendra la règle du 365 : 3 fois par jour, 6 respirations par minute et pendant 5 minutes. Les effets de cette technique sont immédiats et persistent pendant plusieurs heures (en général quatre à six heures). On remarque notamment une baisse de la pression artérielle et la fréquence cardiaque, une baisse du cortisol sanguin et salivaire, une augmentation de la DHEA qui module le cortisol et qui a un rôle anti-vieillissement, une augmentation des IgA salivaires (Immunoglobulines A) qui participent à la défense immunitaire, une augmentation de la sécrétion d’ocytocine qui régule le cortisol, une augmentation des ondes alpha qui représente l’état d’éveil calme et attentif.
La technique de libération émotionnelle (EFT)
Cette psychologie énergétique appelée EFT (Emotional Freedom Technique) a la capacité de faire baisser rapidement votre taux de cortisol circulant, votre fréquence cardiaque, votre pression artérielle. Il suffit simplement de tapoter sur des points d’acupuncture précis.
Cet article a été rédigé par Estelle Sovanna et il est issu du magazine Régénère n°17 "Cerveau, conscience et esprit".