Le vieillissement serait dû à une détérioration progressive de l’ADN de nos cellules, ce qui conduit à leur dysfonctionnement et à leur mort prématurée, et donc à l’émergence de pathologies du vieillissement. Ce vieillissement peut s’évaluer au regard de la longueur des télomères : des segments répétés d’ADN non codant situés aux extrémités des chromosomes. Plus les télomères se raccourcissent, puis ils conduisent aux maladies du vieillissement. Bonne nouvelle, il est possible de ralentir leur raccourcissement, et même de l’inverser !
LE VIEILLISSEMENT PAR LE RACCOURCISSEMENT TÉLOMÉRIQUE
En 1965, le biologiste américain Leonard Hayflick découvre que les cellules humaines normales ont un potentiel de division cellulaire limitée : c’est la limite de Hayflick. Une fois cette limite atteinte (jusqu’à 50 à 70 divisions), elles arrivent au stade de “sénescence” où elles cessent de se diviser. Ce sont les télomères devenus trop courts qui arrêtent ce processus de division. Mais certaines cellules, comme les cellules souches (embryonnaires et germinales), échappent à cette limite car elles disposent de télomérase, une enzyme capable de rallonger les télomères. Par conséquent, ces cellules peuvent se diviser en permanence jusqu’à la fin de nos jours, c’est un renouvellement cellulaire. Cette division cellulaire est un processus fondamental dans le monde vivant puisqu'il est nécessaire à la régénération de tout organisme.
Il faut savoir que certaines parties de notre corps nécessitent un renouvellement cellulaire permanent pour être en bonne santé. C’est le cas du foie, des intestins, des poumons, du pancréas, des parois de notre système cardiovasculaire, des muscles lisses du cœur, du cerveau, de la peau, des cheveux, des os, mais aussi du système immunitaire. Ces tissus sont donc composés de cellules dites “prolifératives”, qui sont elles-mêmes issues de cellules souches. Ainsi, quand il y a besoin de renouvellement cellulaire, les cellules souches interviennent. Une cellule souche se divise et produit deux nouvelles cellules : l’une d’elle remplace la cellule souche d’origine, l’autre devient une cellule spécifique au tissu qu’elle renouvelle.
Mais il arrive que les cellules souches entrent en sénescence lorsqu’il y a défaut de télomérase (nous allons voir pourquoi juste après). Alors, les télomères raccourcissent progressivement jusqu’à atteindre une taille critique qui entraîne l’arrêt du cycle de division et de réplication cellulaire. Ils ne sont pas la seule cause de la sénescence, mais ils y participent en première ligne. Or, les cellules sénescentes sont moins performantes, elles perçoivent mal les signaux, envoient en retour des signaux parfois erronés, leur mitochondrie qui produit l’énergie ne fonctionne plus correctement, elles entretiennent mal leur intérieur et elles excrètent des substances pro-inflammatoires. Lorsque le corps voit apparaître trop de cellules sénescentes, on dit que les tissus vieillissent, ce qui conduit à l’apparition de différentes maladies du vieillissement.
TÉLOMÉRASE, TÉLOMÈRES LONGS ET RENOUVELLEMENT CELLULAIRE
En 1984, trois chercheurs découvrent la télomérase, cette enzyme qui restaure l’ADN perdu lors de la division cellulaire. La télomérase peut donc recréer de nouvelles unités à l’extrémité des chromosomes et remplacer celles qui ont été usées. Elle fabrique les télomères mais elle peut aussi ralentir ou empêcher leur raccourcissement tout comme les reconstituer en les rallongeant. La cellule peut alors continuer à se reproduire. Des télomères longs et de la télomérase en quantité permettent d’entretenir la jeunesse par le renouvellement cellulaire, en réduisant les risques de maladies liée au vieillissement. Paradoxalement, elle peut aussi augmenter les risques de cancer, car elle permet la division des cellules devenues malignes. D’autre part, une insuffisance de télomérase peut aussi augmenter le risque de certains types de cancers (les porteurs d’une mutation héréditaire inactivant la télomérase ont un risque plus élevé de développer des cancers). La télomérase peut faire défaut à cause d’un désordre génétique ou à cause d’une mauvaise hygiène de vie. Inversement, nous pouvons stimuler la télomérase de façon naturelle en adoptant certains habitudes saines de vie, que nous allons maintenant.
L’INFLUENCE SUR LES TÉLOMÈRES DE NOTRE HYGIÈNE DE VIE, DE NOTRE ENVIRONNEMENT ET DE NOTRE PERCEPTION DE L’ENVIRONNEMENT
Nos gènes ont une influence sur nos télomères : d’une part sur leur longueur à la naissance, d’autre part sur la vitesse à laquelle ils raccourcissent. En fonction de notre héritage génétique, nous pouvons venir au monde avec des télomères longs ou avec des télomères courts, avec des syndromes télomériques qui accélèrent le vieillissement, ou pas. Mais il n’est pas question de déterminisme génétique car les télomères ne se contentent pas d’exprimer les informations de nos codes génétiques, ils sont aussi influencés dans leur expression par notre environnement et notre perception de l’environnement.
L’hygiène de vie
Nous le devinons : les personnes qui pratiquent une activité physique modérée (comme les exercices cardiovasculaires modérés et les HIIT) induisent une hausse de la télomérase, à l’inverse des personnes souffrant du syndrome de surentraînement qui au contraire, ronge les télomères¹. Une étude comparant 1 200 couples de jumeaux a prouvé que celui qui était le plus actif des deux avait des télomères plus longs².
Les personnes qui dorment suffisamment et profondément ont des télomères plus longs que ceux qui sont sujets aux insomnies³. Pour améliorer son sommeil, nous recommandons la Thérapie Comportementale et Cognitive de l’Insomnie (TCCI) qui comporte des recommandations d’hygiène de vie mais aussi un programme pour rééduquer notre rythme circadien.
Concernant l’alimentation, les aliments transformés comme le pain, les p'tes, les frites, le sucre raffiné, les sodas, l’alcool entraînent de l’inflammation qui détériore les télomères⁴. Mais nous pouvons prévenir l’inflammation gr'ce à une alimentation riche en antioxydants⁵, ce qui est le cas d’une alimentation riche en fruits et légumes crus, et gr'ce à une alimentation riche en oméga-3⁶. Les scientifiques ont particulièrement relevé ces bénéfices en observant les habitudes alimentaires des pays autour de la méditerranée - le fameux “régime méditerranéen” - et en étudiant les régimes évitant la consommation de viande rouge, de viande transformée et de produits laitiers.
Concernant le jeûne, il n’existe pas encore - à notre connaissance - d’études portant sur le jeûne et les télomères chez les humains. Toutefois, chez les planaires (vers) et les souris, on constate que le jeûne et les restrictions caloriques augmentent la longueur des télomères.
L’environnement
Sans surprise, ceux qui vivent dans la nature ou entourés d’espaces verts ont des télomères plus longs que ceux qui vivent dans les villes surpeuplées⁹. Par ailleurs, une exposition régulière et intelligente au soleil permet la synthèse suffisante de vitamine D (qui est très peu apportée par l’alimentation) et un niveau élevé de cette hormone-vitamine va de pair avec des télomères longs et un taux plus faible de mortalité. Les personnes vivant en ville sont généralement moins exposées à la lumière du soleil, il est alors judicieux de recourir à une supplémentation¹⁰.
Attention à l’exposition aux substances chimiques qui raccourcissent la longueur des télomères : pesticides¹¹ , le cadmium (dans les objets électroniques et le tabac)¹², le plomb¹³, les hydrocarbures aromatiques polycyclique¹⁴ etc.. Mais paradoxalement, certaines substances chimiques provoquent à contrario un allongement des télomères, mais un allongement excessif et non naturel, ce qui induit un risque élevé de cancers : arsenic, benzène, dioxines, furanes, PCB et particules fines¹⁵.
Pour finir, les relations sociales dans notre environnement jouent un rôle majeur dans la santé de nos télomères. Les personnes qui bénéficient de soutien social ont des télomères plus protégés que celles qui sont isolées¹⁶. N’attendons donc plus pour renforcer les liens avec nos proches. L’amour guérit !
Le stress et notre perception de l’environnement extérieur
Des études montrent que le stress chronique dans la durée (à distinguer d’un stress ponctuel) affectent la longueur les télomères et l’activité de la télomérase¹⁷. Mais nous n’avons pas tous la même manière de réagir face au stress : ceux qui perçoivent une épreuve comme une menace vont “ronger” la longueur des télomères, alors que ceux qui le perçoivent comme un défi à relever vont voir leurs télomères protégés¹⁸.
Par ailleurs, le simple fait d’anticiper un événement stressant a presque le même effet sur le corps que le vécu réel du stress¹⁹. En effet, nos émotions ne viennent pas uniquement en réaction à un événement extérieur, elles viennent aussi de notre perception du monde extérieur. Nous pouvons donc diminuer l’impact des épreuves de la vie en cultivant une autre appréhension des événements en se réjouissant par exemple des épreuves car elles nous font grandir ou que le stress peut être bon et nous apporter une dose d’énergie pour réussir. Avec l'entraînement, nous cultivons dès lors des pensées positives (entrain au défi, optimisme, gratitude, compassion envers soi, etc.) qui enrayent les pensées négatives (rumination, pessimisme, répression mentale, hostilité etc.). Un autre exercice bénéfique consiste à nous placer simplement en observateur extérieur de nos émotions.
On note aussi une association entre télomères courts et vagabondage mental, c’est-à-dire le fait de penser à autre chose que ce que nous sommes en train de faire²⁰. En cela, la pratique de l’instant présent par la méditation en pleine conscience est un bon exercice. Des études montrent d’ailleurs que les pratiquants en MBSR (Mindfulness-based stress reduction) enregistrent une hausse de leur télomérase²¹.
La maman, l’enfant et les télomères
Une maman peut transmettre la longueur des télomères à son enfant sans l’intermédiaire du gène. Qu’est-ce que cela signifie ? On parle ici d’épigénétique. L’ovule fécondée de la mère contient des chromosomes ayant aussi des télomères à leurs extrémités. Le foetus recevra donc la longueur des télomères de l’ovule-même à l’instant de la conception, c’est la “transmission directe” ou “transmission germinale”. Ensuite, pendant le développement du foetus, le stress et la mauvaise hygiène de vie de la future maman peuvent conduire aussi à une perte télomérique du bébé. Autant dire que les facteurs qui raccourcissent la longueur des télomères de la maman l’année précédent la conception et pendant la grossesse vont avoir une incidence sur la longueur des télomères de l’enfant. À noter aussi que l’enfant nourri exclusivement au sein au moins pendant les six premières semaines ont des télomères plus longs. Enfin, l’enfance façonne particulièrement les télomères pour le restant de la vie. On parle alors d’“incorporation biologique” pour évoquer les effets des épreuves particulièrement difficiles de l’enfance qui sont marquées dans le corps par un raccourcissement des télomères.
Sources :
1 : Athletes with exercise-associated fatigue have abnormally short muscle DNA telomeres, 2003. (Collins, Renault, Grobler, St Clair Gibson, Lambert, Wayne Derman, Butler-Browne, Noakes, Mouly)
2 : The association between physical activity in leisure time and leukocyte telomere length, 2008 (Cherkas, Hunkin, Kato, Richards, Gardner, Surdulescu, Kimura, Lu, Spector, Aviv)
3 : Insomnia and telomere length in other adults, 2016 (Carroll, Esquivel, Goldberg, Seeman, Effros, Dock, Olmstead, Breen, Irwin)
4 : What you eat can fuel or cool inflammation, a key driver of of heart disease, diabetes, and other chronic conditions, 2015 (Harvard Medical School, Harvard Health Publications)
5 : Higher dietary anthocyanin and flavonol intakes are associated with anti-inflammatory effects in a population of U.S adults, 2015 (Cassidy, Rogers, Peterson, Dwyer, Lin, Jacques)
6 : Association of marine Omega-3 fatty acid levels with telomeric aging in patients with coronary heart disease, 2010 (Farzaneh-Far, Lin, Epel, Harris, Blackburn, Whooley)
7 : Fasting for stem cell rejuvenation, 2020 (González-Estévez, Flores)
8 : Telomerase Reverse Transcriptase Synergizes with Calorie Restriction to Increase Health Span and Extend Mouse Longevity, 2013 (Vera, Bernardes de Jesus, Foronda, Flores, Blasco)
9 : Green space, psychological restoration, and telomere lengh, 2009. (Woo, Tang, Suen, Leung, Wong)
10 : Increased telomerase activity and vitamin D supplementation in overweight African Americans, 2012 (Zhu, Guo, Li, Pedersen-White, Stallmann-Jorgensen, Huang, Parikh, Liu, Dong)
11 : Telomere measurement in individuals occupationally exposed to pesticide mixtures in tobacco fields, 2016 (Kahl, Simon, Salvador, Dos Santos Branco, Ferraz Dias, Rabaioli da Silva, Telles de Souza, Da Silva)
12 : Associations of Cadmium and lead exposure with Leukocyte telomere length : findings from National Health and Nutrition Examination Survey, 1999-2002, (Zota, Needham, Blackburn, Lin, Park, Rehkopf, Epel)
13 : High lead exposure is associated with telomere length shortening in Chinese battery manufacturing plant workers, 2012 (Wu, Liu, Ni, Bao, Zhang, Lu)
14 : Association between leukocyte telomere shortening and exposure to traffic pollution : a cross-sectional study on traffic officers and indoor office workers, 2009 (Hoxha, Dioni, Bonzini, Pesatori, Fustinoni, Cavallo, Carugno, Albetti, Marinelli, Schwartz, Bertazzi, Baccarelli)
15 : Environmental and occupational exposure to chemicals and telomere length in human studies, 2014 (Zhang, Lin, Funk, Hou)
16 : Low social support is associated with shorter leukocyte telomere length in late life : multi-ethnic study of atherosclerosis, 2013 (Carroll, Diez Roux, Fitzpatrick, Seeman)
17 : Cell aging in relation to stress arousal and cardiovascular disease risk factors, 2006 (Epel, Lin, Wilhelm, Wolkowitz, Cawthon, Adler, Dolbier, Mendes, Blackburn)
18 : Can meditation slow rate of cellular aging ? Cognitive stress, Mindfulness, and Telomeres, 2009 (Epel, Daubenmier, Moskowitz, Folkman, Blackburn)
19 : Cardiovascular and affective recovery from anticipatory threat, 2010 (Waugh, Panage, Mendes, Gotlib)
Altered Anterior insula activation during anticipation and experience of painful stimuli in expert meditators, 2013 (Lutz, McFarlin, Perlman, Salomons, Davidson)
20 : Wandering minds and aging cells, 2013 (Epel, Puterman, Lin, Blackburn, Lazaro, Mendes)
21 : Source : Influence of Mindfulness-Based Stress Reduction (MBSR) on telomerase activity in women with breast cancer, 2014 (Lengacher, Reich, Kip, Barta, Ramesar, Paterson, Moscoso, Carranza, Budhrani, Kim, Park, Jacobsen, Schell, Jim, Post-White, Farias, Park)
Cet article a été rédigé par Estelle Sovanna et il est issu du magazine Régénère n°4 "Longévité en santé"