Arrêter un temps de s’alimenter représente déjà une pratique extrême voire dangereuse pour les sceptiques, alors que dire de la pratique du jeûne sec qui exclut également les liquides ? Certains affirment même qu’on meurt au bout de 3 jours sans eau. Pourtant, de plus en plus de personnes témoignent de l’inverse avec une augmentation du nombre d'adeptes du jeûne sec aux quatre coins du monde. On le dit même trois fois plus efficace que le jeûne à l’eau... à condition de bien savoir se l'approprier pour ne pas se mettre en danger. Découvrons ensemble toutes les facettes du singulier jeûne sec comme outil de régénération.
QU’EST-CE QUE LE JEÛNE SEC ?
Un jeûne sec consiste en une privation d’alimentation et de liquide quelle qu’en soit leur nature. D’une part, il existe la version douce de jeûne sec dans laquelle le jeûneur peut être en contact avec l’eau, il peut se doucher, s'humecter les lèvres ou même à se gargariser avec de l’eau en cours de jeûne. D’autre part, il existe la version dure dans laquelle tout contact avec un liquide est proscrit. L’école russe de jeûne sec recommande cette dernière approche en affirmant que tout contact avec l’eau, même si elle n’est pas ingérée, envoie une information au corps qui entre en contradiction avec les processus adaptatifs enclenchés lorsque le corps n’ingère plus de liquide.
HISTOIRE DU JEÛNE SEC
Le jeûne sans eau n’est pas une pratique récente. Dans la Bible, il est dit que Moïse jeûna 40 jours et 40 nuits à sec dans le désert avant de recevoir de Dieu les tables de la loi (Exode 8:34) et le roi de Ninives proclama un jeûne à sec pour toute sa population afin de préserver son peuple et sa ville de la colère de Dieu (Jonas 3:7). De la même manière, il y a peu de chances que Jésus ait rencontré une source d’eau quand il se retire dans le désert pour y jeûner 40 jours avant de débuter son ministère. Plus récemment, c’est en Russie que le jeûne à sec a été amplement étudié et pratiqué. À la fin du XIXe siècle, le professeur Viktor Vasilevic Pasutin et son équipe étudient le jeûne à sec. Ils mettent en évidence que la perte de poids pendant le jeûne ne touche pas de manière identique tous les organes : le système nerveux ainsi que le système endocrinien sont particulièrement préservés. Il montre aussi que les tissus pathologiquement altérés sont préférentiellement dégradés durant le jeûne sec. Il va laisser derrière lui de nombreux disciples dont L. A. Schennikov qui crée dans les années 1970 la « méthode de réhabilitation de l'organisme », une méthode très connue en Russie et qui se base en grande partie sur la pratique du jeûne à sec. C’est enfin son élève, le Dr Sergei Filonov, qui va ramener la connaissance du jeûne sec en Occident dans les années 2010-2015, une pratique quasiment méconnue en dehors de la Russie.
PHYSIOLOGIE DU JEÛNE SEC
Production endogène d’eau
Le corps perd chaque jour de l’eau et nous savons qu’une déshydratation de l'organisme peut être fatale. Ceci explique pourquoi le jeûne sec est perçu comme impossible et dangereux dans la croyance populaire, y compris pour certains spécialistes du jeûne à l’eau. Pourtant, c’est ignorer que le corps est capable de produire de l’eau de façon endogène en l’absence d’apport extérieur, et de bien meilleure qualité. C’est d’ailleurs le cas pour les chameaux qui ne stockent pas de l’eau mais de la graisse dans leurs bosses, ou encore les oiseaux migrateurs qui volent sans escale. Il a été démontré que les graisses se combinent à l’oxygène pour produire de l’eau et du dioxyde de carbone, ainsi 100 g de graisse produisent environ 110 g d’eau¹. On appelle « eau métabolique » l’eau créée à l’intérieur même du corps par oxydation des graisses principalement. Par comparaison, les protéines peuvent aussi être oxydées pour produire de l’eau mais on n’obtiendra que 42 g d’eau pour 100 g de protéines. Les cellules graisseuses (les adipocytes) sont à la fois une source d’énergie permettant de compenser l’absence d’apport extérieur de nourriture mais sont aussi une source d’eau métabolique pour compenser l’absence d’apport extérieur de liquide. La compréhension de ces mécanismes explique pourquoi en jeûne sec tout est accéléré.
Nettoyage et autolyse plus rapide
Le besoin aigu d’eau va provoquer un passage plus rapide du corps dans la phase de consommation des graisses (la lipolyse) qu’en jeûne à l’eau. En toute logique, cela entraîne aussi plus rapidement le corps dans la phase de nettoyage profond puisqu’une grande partie des déchets métaboliques du corps sont stockés dans les graisses. Ainsi on estime qu’il faut environ 36 heures (voire moins) en jeûne sec pour commencer à utiliser les graisses contre environ 3 jours en jeûne à l’eau. Le fait que les protéines soient moins rentables que les graisses pour produire de l’eau va faire aussi qu'en jeûne sec, les tissus maigres et musculaires sont préservés davantage qu’en jeûne à l’eau. En plus de l’utilisation des graisses pour produire de l’eau, le corps va pouvoir utiliser toute l’eau excédentaire stockée dans le corps sous forme d'oedème et va même pouvoir absorber l’humidité de l’air comme en témoignent les recherches russes sur le jeûne sec.
¹ Source : Metabolic Water and Desiccation, 1942 (Kenneth Mellanby)
Fièvre curatrice et gestion des déchets
La plupart des personnes qui expérimentent le jeûne sec témoignent éprouver rapidement une sensation de chaleur intense qui diffère énormément de l’expérience du jeûne à l’eau où la sensation est inverse (sensation de froid). Cette fièvre est la caractéristique de l’efficacité du jeûne sec : cette élévation de chaleur interne traduit une forte augmentation du métabolisme et de l’accélération du traitement des déchets. Filonov ajoute aussi les bains froids pour faire monter encore la température du corps jusqu’à 40,2°C. Ceci nous amène à répondre à un des grands mystères du jeûne sec : comment les déchets sont-ils évacués ? En jeûne à l’eau, il a été très souvent répété de boire suffisamment pour aider les reins à éliminer parce que l’émonctoire intestinal n’est plus utilisé par absence de nourriture. Le Prix Nobel de médecine André Lwoff a consacré une grande partie de ses travaux de recherche aux effets de la fièvre sur l’élimination des toxines du corps. Il explique que la chaleur interne induite permet de détruire les déchets à l’intérieur même des cellules. Les déchets ne seraient donc pas évacués mais neutralisés de manière endogène selon les spécialistes du jeûne sec. De plus, une température élevée empêche le développement des bactéries et des virus.
Régulation de l’inflammation et des prolifération microbiennes
L’eau est vitale pour de nombreux processus métaboliques du corps. Ainsi lorsque le manque d’eau survient, nous assistons à une réorientation de l’eau disponible dans le corps au profit des processus vitaux indispensables et au détriment de processus secondaires comme l’inflammation par exemple. Les processus inflammatoires vont être donc limités dans un environnement où l’eau devient rare. De la même manière, les microbes vont être parmi les premiers à souffrir du manque d’eau. Avec le coronavirus, on observe que les meilleurs effets sont obtenus lorsque l’on pratique le jeûne sec au début des symptômes. Ainsi en jeûne sec, l’inflammation comme les proliférations microbiennes vont être plus rapidement diminuées qu’en jeûne à l’eau.
Amélioration des carences et des déséquilibres minéraux
Nous sommes pour la plupart déjà carencés à l’état nourri alors cela ne va-t-il pas s’aggraver avec le jeûne ? Le Dr Sergei Filonov affirme que c’est l’inverse qui se produit, particulièrement avec le jeûne sec. Il explique que lors d’un jeûne les besoins en minéraux sont diminués car les processus de digestion, d’assimilation et d’excrétion sont absents. Nous assistons alors à une meilleure redistribution des réserves minérales internes. Il observe que les personnes déséquilibrées ou en carence minérale (carence dans le sang ne signifie pas automatiquement carence dans le corps) ressortent même du jeûne en état d'équilibre minéral. Ceci est d’autant plus vrai en jeûne sec car aucun apport d’eau externe avec son apport propre en minéraux ne vient perturber l’équilibre isotonique du sang (concentration minérale fixe) .
Amélioration de la fonction rénale
La plus grande peur qui émerge autour du jeûne sec concerne les reins. Comment vont-ils fonctionner en l’absence d’eau et ne risque-t-on pas de les abîmer ? L’expérience comme la science prouvent que c’est le contraire qui se produit. Une étude² portant sur 10 adultes ayant jeûné à sec durant 5 jours a montré une amélioration de la clairance de la créatinine (marqueur de la qualité de la filtration rénale) de 167 %. On croit à tort que les reins ont besoin de liquide pour fonctionner alors que c’est plutôt l'inverse : les reins filtrent et traitent les liquides du corps, or plus il y a de liquides plus les reins travaillent. Jeûner sans apporter de liquide, c'est offrir un temps de repos aux reins qui vont naturellement se désengorger et leur permettre de se régénérer. En jeûne sec, la seule eau à traiter est l’eau métabolique qui ne demande pas de travail de transformation supplémentaire. Dans ses vidéos Youtube, Thierry a aussi témoigné avoir vu sa fonction rénale, de base assez faible, s’améliorer de façon notoire gr'ce à des jeûnes secs répétés.
²Source : Anthropometric, Hemodynamic, Metabolic, and Renal Responses during 5 Days of Food and Water Deprivation, 2013 (Ioannis A Papagiannopoulos and al.)
INFECTION AU SARS-COV-2, FIÈVRE ET RÉMISSION DE CANCER
Depuis très longtemps, il a été observé et recensé des cas de rémissions spontanées de maladies graves tels que des cancers en stade avancés, et ce juste après une forte fièvre déclenchée par une infection virale ou bactérienne. Récemment par exemple, le British Journal of Haematology a publié le cas d’une personne 'gée de 61 ans atteint de lymphome de Hodgkin (cancer du système lymphatique caractérisé par la présence de grandes cellules atypiques, les cellules de Reed-Sternberg) agressif de stade 3 qui a disparu quelques jours après une infection au SARS-CoV-2, alors qu’il n’avait reçu pourtant aucun traitement pour. On suppose que l’infection a déclenché une réaction immunitaire anticancéreuse³. En effet, cette réponse induit une augmentation de la production de cytokines (protéines répondant à des antigènes qui stimulent les cellules chargées du développement des défenses immunitaires) qui provoquerait une fièvre et d’autres symptômes désagréables de nettoyage. Ce cas confirmerait-il l’action curatrice de la fièvre en réponse à une infection ?
³ Source : SARS‐CoV‐2‐induced remission of Hodgkin lymphoma, 2021 (Sarah Challenor and David Tucker)
LE JEÛNE SEC EN PRATIQUE
Le jeûne à sec est une méthode très puissante qui va induire un catabolisme important durant la période de privation de nourriture et d’eau. Ceci explique l’efficacité de ce jeûne mais cela demande aussi à l’aborder avec prudence et humilité. Généralement, on recommande d’avoir pratiqué quelques jeûnes à l’eau avant de se lancer dans le jeûne à sec. Puis nous pourrons ensuite nous essayer à plusieurs jeûnes sec courts et réguliers comme un jeûne sec intermittent 16/8. La régularité de la pratique du jeûne court 16/8 entraîne une arrivée plus rapide en état de cétose, parfois en moins de 12h selon l’expérience de certaines personnes. Ainsi même des jeûnes courts auront déjà une action favorable en termes de perte de poids et de nettoyage. Pour ce qui est des jeûnes à sec plus long, le Dr Sergei Filonov et le Dr Youri Nikolaïev ont déterminé des étapes clés par lesquelles passe toute personne pratiquant un jeûne sec dépassant deux jours :
Phase 1 – Entrée en jeûne : Les deux à trois premiers jours, on observe une perte de poids rapide, des troubles du sommeil, une mauvaise humeur, des crampes intestinales. Les symptômes sont toutefois supportables.
Phase 2 – 1ère crise d’acidose : Aux alentours des 36 h à 48 h de jeûne sec commence la première crise d’acidose avec une augmentation des symptômes. On observe généralement l’apparition de maux de tête, de nausées, de vertiges et une sensation de faiblesse. Le jeûneur ressent généralement une forte chaleur dans la zone du plexus solaire, ses lèvres se dessèchent même si la sensation de soif reste supportable. La faim a disparu et la langue est devenue blanche. Cette première crise permet selon Filonov d’éliminer les pathogènes. Elle dure entre 48 à 72 heures.
Phase 3 – Adaptation : Aux alentours du 5ème et jusqu’au 9ème jour environ, le jeûneur commence à se sentir mieux car le corps s’adapte. Les malaises diminuent, seule la température peut rester élevée ce qui est une vraie tentation pour le jeûneur qui lutte pour ne pas consommer d’eau. Cette phase de repos ponctuelle prépare à la seconde crise d’acidose.
Phase 4 – 2nd crise d’acidose : Entre le 8ème et le 11ème jour se déclenche la 2ème crise d’acidose où la soif s’intensifie et on observe une exacerbation des symptômes. C’est généralement une épreuve difficile à passer mais Filonov insiste sur le fait qu’il faut traverser cette étape que pour que l’effet thérapeutique du jeûne soit total. C’est la raison pour laquelle les meilleurs résultats ont été obtenus chez des personnes qui ont réussi à faire de 9 à 10 jours de jeûne sec selon lui.
Phase 5 – Compensation et équilibre : Aux alentours de neuf jours, le jeûneur se sent mieux, c’est le moment de rompre le jeûne. Nous sommes bien loin des jeûnes hydriques de 30 jours !
RECOMMANDATIONS
Se préparer avec rigueur
Le jeûne sec est bien plus intense que le jeûne hydrique, il est donc fondamental de bien s’y préparer, de respecter la descente alimentaire. De même, avant de se lancer dans un jeûne sec dépassant deux jours, il est préférable de se soumettre à des cycles de jeûne hydrique et sec progressifs. Pendant le jeûne sec le sang devient plus épais et cela peut être un stress important pour le système vasculaire. C’est pourquoi, pour toutes les personnes qui se lancent dans un jeûne sec thérapeuthique, Filonov recommande de prendre 1 cuillère de bicarbonate de sodium dilué dans un verre d’eau chaude à jeun le matin pendant 1 mois.
Ne pas interrompre en pleins milieu d’une crise d’acidose
Les spécialistes du jeûne sec s’accordent à dire qu’il faut absolument éviter d’interrompre le jeûne en cours de crise d’acidose et qu’il vaut mieux attendre de passer la première crise d’acidose ou passer la deuxième crise d’acidose pour interrompre le jeûne. Pour la reprise, commencer par boire à petites gorgées régulières et ne rien ingérer tant que les urines n’ont pas repris une couleur claire, cela peut prendre 4 à 6 heures. Ensuite, selon la durée du jeûne et les spécificités individuelles, les adeptes du jeûne sec ont tendance à privilégier des produits denses (gras et protéinés) plutôt que des produits sucrés afin d’éviter un pic glycémique et d’insuline.
L’importance du cadre
Le corps est en position d’absorption maximale durant le jeûne sec et les spécialistes de ce jeûne insistent sur l’importance du cadre pour pratiquer ce jeûne. Il faudrait privilégier un cadre de nature avec de l’humidité car le jeûne sec utilise systématiquement les énergies de la nature. Les russes parlent de « lieu de force » pour qualifier un tel endroit et le Dr Filonov a choisi par exemple de mener ses cures de jeûne sec au fond des montagnes de l’Altaï au fin fond de la Russie dans un cadre exceptionnel de forêts, de torrents et de lacs. À l’inverse, il nous met en garde contre des environnements urbains pollués, avec une mauvaise qualité de l’air et beaucoup de pollution électromagnétique. À cause du phénomène d’absorption, le jeûne sec devient alors néfaste en ville. Filonov déconseille de réaliser seul plus de 5 jours de jeûne sec à la maison. Avec le jeûne sec plus que n’importe quel autre jeûne, l’environnement est primordial.
Boire une eau de qualité à la sortie
Aussi nous savons que l’eau porte l’énergie. Si l’eau que l’on ingère est de mauvaise qualité, l’énergie en sera de même.
LES CONTRE-INDICATIONS AU JEÛNE SEC SELON FILONOV
S. Filonov déconseille le jeûne sec long (plus de 2-3 jours) pour une personne qui possède une charge toxique trop importante par rapport à son niveau de vitalité. Les contre-indications générales sont : arythmie cardiaque, diabète type 1, tumeurs malignes avancées et hémoblastoses, thyrotoxicose et autres maladies endocriniennes, hépatite aiguë chronique active et cirrhose du foie, maladies inflammatoires purulentes du système respiratoire et de la cavité abdominales, insuffisance rénale, insuffisance de la circulation du sang du 2nd et 3ème degré, tuberculose active des poumons et d’autres organes, déficit prononcé de masse corporelle, hyperthyroïdie, allaitement et grossesse, petite enfance jusqu’à 14 ans et sénilité au delà de 70 ans.
Cet article a été rédigé par Thierry Casasnovas et Estelle Sovanna et il est issu du magazine Régénère n°8 "La puissance du jeûne".