Il est risqué, voire dangereux, d’appliquer une méthode de santé identique pour chaque individu. Les réponses doivent s’apprécier au cas par cas en fonction du terrain, mais aussi de notre profil. C’est le fameux “Ça dépend” cher à Thierry. “Est-ce que je dois manger cru ? - Ça dépend !” “Combien de temps jeûner ? - Ça dépend”. Dans cette optique, il nous paraît intéressant d’aborder la notion des humeurs, des constitutions et des tempéraments pour déterminer notre profil, appréhender notre terrain, avant d’envisager des solutions.
LES HUMEURS SELON HIPPOCRATE
La notion de terrain est anciennement liée à l’humorisme qui est la science des humeurs. De nos jours, le terme “humeur” fait référence aux dispositions d’une personne en lien avec son caractère. Selon les moments, elle peut être de “bonne humeur” ou de “mauvaise humeur”. Mais dans leur sens premier, les humeurs désignent les liquides organiques du corps que sont : le sang, la lymphe, les liquides interstitiels et cellulaires. Ces liquides transportent l’oxygène et les nutriments indispensables aux cellules et ils conduisent les déchets aux organes d’élimination. Selon Hippocrate, la santé de nos cellules repose sur l’équilibre de nos humeurs, et la bonne gestion des « entrées » (nutriments) et des « sorties » (déchets). Ainsi, les liquides représentent 71 % de notre poids, soit plus des deux tiers. Ils assurent une fonction essentielle et déterminent la qualité de notre terrain. Hippocrate relève quatre humeurs : la lymphe, le sang, la bile jaune et la bile noire.
L’ENCRASSEMENT DES HUMEURS SELON P.V MARCHESSEAU
Si les humeurs déterminent en grande partie la qualité de notre terrain, il est intéressant de regarder de plus près ce qui encrasse nos humeurs. Pierre-Valentin Marchesseau, hygiéniste et père de la naturopathie en France, distinguait deux types de déchets organiques au sein des humeurs.
Les premiers sont les colles. Celles-ci proviennent d’une alimentation composée de glucides (amidons et sucres) et de lipides (graisses) notamment avec la surconsommation de féculents telles que les céréales (surtout quand elles sont raffinées : pain, p'tes, viennoiseries etc.) et les pommes de terres frites, les graisses trans comme la margarine, mais aussi de sucres raffinés et de produits laitiers. Cette surcharge a pour conséquence l’épaississement du sang et donc le ralentissement du métabolisme. Les kystes, fibromes et dépôts graisseux peuvent être la conséquence d’une accumulation de colles. Si cette situation perdure et en l’absence de toute modification de l’alimentation et de l’hygiène de vie, des maladies cardio-vasculaires peuvent s’installer. Les déchets colloïdaux sont éliminés par le foie et les intestins (bile et selles), la peau (glandes sébacées) et l’appareil respiratoire (crachats, glaires…). Ainsi, on détecte généralement un terrain “encollé” quand l’individu a des glaires, qu’il crache et mouche des mucosités, qu’il a de l’acné, des furoncles, la peau grasse. Les selles aussi peuvent montrer la présence de mucosités dont la texture s’approche de celle du blanc d’œuf.
Les deuxièmes sont les cristaux. Ils proviennent de la surconsommation de protéines, mais aussi des aliments qui entraînent des réactions acidifiantes dans l’organisme comme les produits industriels et raffinés, l’alcool, les excitants comme le café et le chocolat. Le stress et les pensées négatives produisent également des acides. Le corps va neutraliser les acides par une base, ce qui donne un sel de forme minérale cristalloïde, les fameux cristaux. L’inconvénient majeur de ce processus, c’est qu’il fait appel aux réserves basiques de l’organisme qui, en diminuant, entraînent des carences de certains minéraux ou oligo-éléments essentiels. Ces cristaux se stockent sous forme de calcifications et de dépôts au niveau des articulations et des tissus. S’ils restent en contact, les cristaux s’agglomèrent les uns aux autres et forment alors des cristaux plus grands, appelés calculs, qui peuvent se trouver dans les reins, la vessie ou la vésicule biliaire. Afin d’éviter les cristaux, le corps évacue autant qu’il peut les acides par les poumons (acides volatils), les reins (urine) et la peau (glandes sudoripares). Ainsi, on détecte généralement un terrain “acidifié” quand il y a inflammation, douleurs et éruptions cutanées de type eczéma et psoriasis.
Sur le long terme, les surcharges colloïdales et cristalloïdales sont une des causes principales de la genèse de maladies chroniques. Alexis Carrel, chirurgien et biologiste français, a montré l’intérêt d’un milieu humoral propre, car les déchets non évacués sont des causes de déchéance cellulaire. Toute cellule asphyxiée par ses déchets et carencée en oxygène et en nutriments va mourir ou bien muter vers des formes dangereuses (cancers).
Quelques façons d’améliorer la fluidité des humeurs
Le brossage à sec, le trampoline, le massage, la réflexologie ou la marche pieds-nus, les postures inversées avec le yoga ou gr'ce à une balancelle, la douche écossaise, certains aliments comme l’ail, l’oignon, les aliments riches en oméga 3 et en antioxydants améliorent la fluidité des humeurs. Ces techniques vont venir soutenir la démarche de fond sur le terrain où il s’agira d’abord d’« assécher » les sources de surcharges, de répondre aux carences (nutritionnelles et affectives) et d’éliminer les déchets.
LES CONSTITUTIONS
Les constitutions représentent l’ensemble des paramètres innés d’un individu. Elles sont en quelque sorte les données de base dont nous héritons et sur lesquelles nous avons très peu de prise (génétique). Ces éléments sont considérés comme immuables en naturopathie, mais nous pensons qu’ils évoluent dans le temps, bien que très lentement, à savoir sur des générations.
Les constitutions hippocratiques permettent de déterminer chez l’être humain des « types » dans les fonctionnements organiques et psycho-émotionnels. Evidemment, ces catégories sont des caricatures et plusieurs d’entre elles cohabitent en chacun de nous. Cependant, connaître celles qui prédominent en nous peut être utile dans une démarche de meilleure connaissance de nous-mêmes et d’estimation de notre capital vital d’origine. Déterminer notre constitution permet d’individualiser au mieux l’hygiène de vie, d’appréhender nos points faibles en toute conscience et d’anticiper les possibles conséquences de nos prédispositions pathologiques.
Hippocrate distinguait quatre types de constitutions.
- Les lymphatiques : de types intuitifs, sensibles, introvertis, ils ont généralement le teint p'le et un visage lunaire. Leur vitalité est moyenne, faible, et l’humeur qui les représente est la lymphe. Ils vont avoir tendance à prendre du poids, à développer de l'oedème, de l’inflammation, du diabète.
- Les sanguins : de types communicatif, émotif, extraverti, ils ont généralement le teint rouge et un visage massif. Leur vitalité est très bonne et l’humeur qui les représente est le sang. Ils vont avoir tendance à prendre du poids, à être congestionnés, à faire des crises de goutte, à avoir de l’athérosclérose.
- Les bileux : de types enthousiastes, entreprenants, stressés, ils ont généralement le teint mat et un visage carré. Leur vitalité est très bonne et l’humeur qui les représente est la bile jaune. Ils vont avoir tendance à perdre du poids, à avoir des troubles au foie et à la vésicule biliaire, à faire des allergies, du rhumatisme.
- Les nerveux : de types mentaux, réfléchis, anxieux, ils ont généralement le teint p'le et un visage anguleux. Leur vitalité est moyenne et l’humeur qui les représente est la bile noire ou atrabile. Ils vont avoir tendance à perdre du poids, à avoir des troubles du sommeil, à faire de l’acidose, des dépressions et des scléroses.
Pierre-Valentin Marchesseau proposait une vision synthétique en présentant deux constitutions seulement :
- Les sanguino-pléthorique (caractéristiques proches du Sanguin) : de type plutôt trapu, costaud avec le visage carré, ils ont le profil du bon vivant avec une bonne énergie, mais ils risquent les conséquences des excès. Ils ont des tendances aux troubles digestifs, éliminatoires et hormonaux.
- Les neuro-arthritique (proche du Nerveux) : de type plutôt long et fin, ils sont plus fragiles avec une énergie moindre. Ils ont des tendances à l'acidose, la déminéralisation, l'inflammation, les difficultés émonctorielles, les troubles du sommeil et du système nerveux.
Thierry Casasnovas quant à lui distingue :
- Les “grands maigres déminéralisés” qui utilisent leurs réserves minérales pour neutraliser les acides. Ils ont donc l’avantage de ne pas stocker les toxines, mais le désavantage de développer des carences minérales et nutritionnelles, de façon générale, et de s’épuiser nerveusement. Pour ce type de profils, les jeûnes longs ou les cures de fruits sont déconseillés car ils n’ont pas grand chose à éliminer. Il est préférable de les revitaliser et de leur apporter de l’énergie nerveuse en priorité, notamment par la consommation de produits denses (salés et peu aqueux), par le repos, et par l’exposition à l’énergie de la nature.
Les “gros rigolos” qui à l’inverse vont avoir tendance à stocker les acides et les toxines dans les réserves graisseuses. Ces personnes ont l’avantage d’être de bonne humeur et d’avoir un bon système nerveux, mais le désavantage de développer de l’hypertension et des maladies cardio-vasculaires. Ces personnes seront plus aptes à se lancer dans des jeûnes longs et des cures de fruits qui leur permettront d’éliminer la surcharge toxique.
LES TEMPÉRAMENTS
Les tempéraments représentent l'ensemble des paramètres et éléments acquis dans le temps depuis une constitution donnée. Pierre-Valentin Marchesseau a défini huit tempéraments : quatre dilatés et quatre rétractés. Si nous avons un profil qui se rapproche le plus du type “neuro-arthritique”, nous aurons tendance à évoluer vers les tempéraments dits “rétractés”. Si nous avons un profil qui se rapproche le plus du type “sanguino-pléthorique”, nous aurons plutôt tendance à évoluer vers les tempéraments dits “dilatés”.
Ces éléments évoluent et se modifient au regard de notre hygiène de vie et de notre environnement (l’épigénétique). Ainsi, comprendre que même « l’acquis » peut être modifié gr'ce à nos choix, c'est emprunter un chemin holistique pour reprendre notre santé en main, avec la conscience que nous sommes à l'image de toutes les influences qui nous ont construites. Cela nous confère une responsabilité nouvelle : celle d’agir et de nous remettre au service des lois du vivant.
Voyons en détail les huit tempéraments définis par Pierre-Valentin Marchesseau, à partir du tempérament central, le Musculaire, qui est l’archétype de santé :
Musculaire (central) : il a le visage carré ou rectangulaire, le teint coloré. Il mange sainement, a une activité physique régulière et une bonne hygiène de vie. Il pourrait éventuellement être exposé au risque de surentraînement sportif. Dans ce cas, il est recommandé de poursuivre l’hygiène de vie en faisant attention à l’excès de protéines et au surmenage musculaire.
Sanguin (1er niveau dilaté) : il a le visage plein et puissant, c’est un bon vivant qui abuse parfois un peu trop des plaisirs alimentaires. Ses risques : l’hypertension et les problèmes cardio-vasculaires. Dans ce cas, il est recommandé de faire attention à la consommation de lipides et d’alcool.
Digestif (2e niveau dilaté) : il a le visage rond, et présente souvent un double menton et un ventre rebondi. Il aime le contact avec les autres et la nourriture. Il est exposé aux risques d'obésité et de diabète. Dans ce cas, il est recommandé de manger plus de fruits et de cru, de faire attention aux excès alimentaires, et de faire du sport.
Obèse rouge (3e niveau dilaté) : il a le visage rond et très rouge, les tissus dilatés. Il aime la nourriture mais en plus prononcé. Ses risques : l'obésité et un diabète plus grave, ainsi que des troubles glandulaires, et un système vasculaire déficient. Dans ce cas, il est recommandé de faire des jeûnes, d’intégrer une alimentation hypotoxique et de faire une activité physique adaptée comme la natation et la marche.
Obèse blanc (4e niveau dilaté) : il a le visage rond soufflé et p'le. Si l’obèse rouge peut faire de l’exercice, pour l’obèse blanc cela relève de l’impossible. Il souffre de frilosité et il risque des pathologies lourdes, des troubles cardio-vasculaires et rénaux, un épuisement hormonal et des troubles psychiques. Dans ce cas, il est recommandé de faire des jeûnes, d’intégrer une alimentation hypotoxique crue et de faire de la marche.
Respiratoire (1er niveau rétracté) : il a le visage tonique et un peu rétracté. Il est intellectuel et logique, il aime le sport. Il est exposé à des risques de troubles respiratoires, de troubles hépatiques et l'arthritisme. Dans ce cas, il est recommandé de faire attention à la surconsommation de lipides et de glucides et de faire de l’activité physique de type cardio.
Cérébral (2e niveau rétracté) : il a le visage osseux et triangulaire pointe en bas, le teint p'le. Il est très cérébral, mental et introverti. Il se pose beaucoup de questions et a du mal à se mettre au sport. Il souffre de frilosité. Ses risques : insomnies, migraines, dépression, constipation mais aussi les mêmes troubles que le Respiratoire en plus prononcé. Dans ce cas, il est recommandé de faire attention à la surconsommation de lipides et de glucides, de faire de l’activité physique de type rationnel et énergisant telle que le yoga ou le Qi Gong, d’intégrer de la gestion du stress et de la vie spirituelle.
Nerveux (3e niveau rétracté) : il a le visage osseux et longiligne, le teint p'le voire verd'tre. Il est nerveux, agité, impulsif, il refuse l’exercice physique et il est pessimiste. Il souffre encore plus du froid, et il présente des risques plus importants de dépression, de défaut d’immunité, mais aussi des mêmes troubles que le Cérébral en plus prononcé. Dans ce cas, il est recommandé de ne pas consommer trop de cru ni de produits aqueux, de faire de l’activité physique douce comme la marche, la natation, le Taï Chi, d’intégrer de la gestion du stress et de la vie spirituelle.
Grand nerveux (4e niveau rétracté) : il a le visage émacié, le teint plombé et verd'tre. Il est nerveux, agité, impulsif et maniaque. Il peut être obsédé et incohérent. Il souffre fortement du froid et présente des risques de problèmes psychiatriques mais aussi les mêmes troubles que le Nerveux en plus prononcé. Dans ce cas, il est recommandé de faire des petits repas chauds et denses mais réguliers car le potentiel digestif est faible, de recevoir des massages doux, de faire de la marche, d'intégrer la gestion du stress et de la vie spirituelle.
Cet article a été rédigé par Léna Poirier et Estelle Sovanna et il est issu du magazine Régénère n°5 "Notre terrain : nouveau bilan de santé".