PHYSIOLOGIE ET PHASES DU JEÛNE
Nous allons passer en revue les différents processus qui se déroulent dans le corps pendant le jeûne, en notant bien que les durées précisées sont indicatives, elles sont essentiellement valables pour le jeûne hydrique, car nous entrerons plus rapidement dans ces phases en jeûne sec. De plus, ces durées varient d’un individu à l’autre mais également en fonction du niveau d’activité de la personne.
Phase 1 : de 0 à 4 heures environ après la dernière prise alimentaire
Lorsque nous consommons un aliment, il passe par le système digestif qui va le décomposer en éléments simples assimilables : les glucides sont découpés en sucres simples, les protéines sont découpées en acides aminés, les graisses sont découpées en acides gras. Ces éléments, comme les sucres, dont nous allons parler plus précisément, vont pouvoir alors traverser la barrière intestinale pour arriver dans le sang. Les glucides sont une source d’énergie importante pour les cellules de l’organisme. Ainsi, lorsque nous mangeons, le corps en profite pour constituer des réserves de glucose dans les muscles et dans le foie sous forme de glycogène. On appelle ce processus la gluconéogenèse qui permet, dans le foie et les muscles, la synthèse de glycogène à partir du glucose. Seul le glycogène hépatique peut être ensuite redistribué aux autres cellules de l’organisme. D’autre part, le taux de sucre dans le sang, appelé aussi glycémie, doit être impérativement compris entre 0,7 g/L et 1,2 g/L de sang. Lorsque nous mangeons, la glycémie pourrait largement dépasser ces valeurs, surtout lors d’un copieux repas. C’est pourquoi, lors de toute prise alimentaire, le corps déclenche la production d’une hormone protéique appelée insuline qui va avoir une action hypoglycémiante, c’est-à-dire qui va diminuer le taux de sucre dans le sang. En effet, le rôle de l’insuline est de faire rentrer le sucre dans les cellules, mais aussi d’envoyer un signal de stockage : le corps va alors transformer les sucres présents dans le sang en graisses qui pourront être stockées dans les tissus adipeux, on appelle ce processus la lipogénèse. Par ce biais, la glycémie va pouvoir rester stable même après l’ingestion de beaucoup de sucres. Puis, au bout d’un certain temps d’absence de prise alimentaire, la glycémie et la production d’insuline vont chuter. Comme nous l’avons évoqué précédemment, le corps va tout faire pour maintenir sa glycémie supérieure à 0,7g/L environ pour rester en bonne santé. Il va alors déclencher successivement plusieurs mécanismes dits hyperglycémiants.
Symptômes associés courants : torpeur si le repas est très copieux.
Phase 2 : entre 4 à 16 heures environ après la dernière prise alimentaire
La quantité de sucre dans le sang, issue de la digestion du dernier repas, commence à chuter et le foie va commencer à libérer le glycogène, qui est la seule forme de stockage de glucides dans le corps. La libération de glycogène va atteindre son maximum environ 6 heures après la dernière prise alimentaire. Ce glycogène se trouve en quantité limitée dans le foie et les muscles, il doit être régulièrement réapprovisionné. Lorsque le glycogène est décomposé en molécules de glucose, pour les besoins en énergie du corps, on appelle ce processus la glycogénolyse. Durant cette première phase, le carburant du corps est avant tout le glycogène libéré, et dans une moindre mesure la néoglucogenèse, que nous allons définir dans la phase suivante. Si le corps a des difficultés à fonctionner sur ces deux mécanismes, il peut déclencher la production d’adrénaline qui est une hormone hyperglycémiante.
Symptômes associés courants : légère nervosité si production d’adrénaline, sensation de ventre creux ou de vertiges si le jeûneur n’est pas habitué à jeûner régulièrement.
Phase 3 : de 16 à 32 heures environ après la dernière prise alimentaire
Comme il y a peu de réserves de glycogène dans le foie et dans les muscles, ces dernières vont rapidement chuter. Un autre mécanisme hyperglycémiant est utilisé pour maintenir la glycémie constante : la néoglucogenèse, qui est la synthèse de glucose à partir de composés non-glucidiques tels que les acides aminés issus des protéines et les acides gras issus des réserves lipidiques. Le corps va alors utiliser les tissus musculaires et les graisses pour fonctionner. Toutefois, on voit rapidement apparaître une augmentation importante du niveau d’hormone de croissance qui va limiter la dégradation des tissus musculaires, en faveur d’une dégradation des graisses afin d’éviter une perte musculaire trop importante. Contrairement à la réserve de glycogène, les graisses constituent une réserve bien plus importante de glucose pour l’organisme. On appelle lipolyse le processus de dégradation des lipides consommés ou stockés. Les stocks de lipides dans l’organisme sont principalement des triglycérides, composés de trois acides gras associés à une molécule de glycérol. Les triglycérides vont alors logiquement être décomposés en glycérol – utilisé pour la néoglucogenèse, et en acides gras, utilisés directement par de nombreux tissus du corps comme substrat énergétique (sans être convertis en glucose), excepté le cerveau car ils ne peuvent pas passer la barrière hémato-encéphalique. Notons que lors d’un jeûne sec, sans aucun apport hydrique, la consommation de graisse par le corps va être plus rapide, et ce, afin de produire de l’eau de façon endogène (décomposition des graisses en eau). Nous allons donc rentrer dans les différentes phases plus rapidement en jeûne sec.
Symptômes associés courants : début de fonte musculaire et graisseuse, baisse d’énergie et tension, crise de nettoyage comme des éruptions cutanées, des inflammations urinaires, de la toux, de la fièvre, des nausées et vomissements, des céphalées continues ou pulsatiles.
Phase 4 : de 32 heures à 24 jours environ après la dernière prise alimentaire
La néoglucogenèse commence à diminuer de façon importante parce que le niveau d’insuline diminue fortement : le glucose produit grâce à la néoglucogenèse, ne peut donc plus entrer et être utilisé par les cellules en l’absence d’insuline. Le glucose va alors devenir un carburant limité pour le cerveau et les cellules de l’organisme. Comme le cerveau se nourrit essentiellement de glucose, et qu’il ne peut pas se nourrir d’acides gras, et que les cellules ne peuvent plus se nourrir en glucose par manque d’insuline, le corps va alors produire un nouveau carburant capable de faire fonctionner à la fois le cerveau et l’organisme : les corps cétoniques. Les corps cétoniques sont produits à partir de la métabolisation des graisses. On dit alors que l’organisme rentre en état de “cétose”, c’est-à-dire que le corps tire essentiellement son énergie des corps cétoniques, et à moindre mesure du glucose. L’entrée en cétose arrive autour de 36 heures pour une personne en jeûne sec, et autour de 3 jours pour une personne en jeûne hydrique. La présence importante de corps cétoniques va faire cesser complètement la dégradation des protéines en faveur uniquement des graisses. Cette accumulation des corps cétoniques dans le sang va l’acidifier, et va donc provoquer une diminution du pH en dessous de 7,35, sans aller pour autant en-deçà d’un seuil critique. On appelle ce phénomène d’acidose “la crise d’acidose”. Il peut y en avoir deux. On suppose que le phénomène d’autophagie significative, c’est-à-dire l’autophagie élevée, démarre entre 24 heures et 48 heures après la dernière prise alimentaire, en fonction du type de jeûne et de la personne. Lors de cette phase, on peut considérer qu’on a basculé dans le jeûne thérapeutique (en opposition au jeûne hormétique). Entre le 4ème et le 7ème jour arrive la phase de compensation et d’équilibre où l’humeur s’améliore, la faiblesse disparaît et la perte de poids se stabilise.
Symptômes associés courants : forte haleine due à la présence des corps cétoniques. La masse musculaire se maintient car le corps ne puise plus son énergie dans les tissus musculaires, mais la fonte de la masse graisseuse continue, car le corps puise dans les réserves graisseuses. La crise d’acidose provoque un malaise général avec des symptômes comme la fièvre, une baisse d’énergie, une susceptibilité, des nausées, et tous les autres symptômes évoqués dans la phase 3. Le jeûneur ne ressent aucune faim car il est nourri de façon endogène par les graisses. Les symptômes de la phase d’acidose se calment par la suite lors de la phase de compensation. La fin de la phase 4 est marquée par le retour de la faim qui est un signe très important à observer et à respecter.
Phase 5 : environ 24 jours et plus après la dernière prise alimentaire
Une personne en surpoids pourra jeûner plus longtemps qu’une personne mince car elle peut jeûner tant qu’elle possède des réserves graisseuses. Selon le Dr George F. Cahill, une personne obèse pourrait donc être en mesure de jeûner plusieurs mois ! Si toutefois le jeûneur poursuit au-delà de l’épuisement des ressources de graisse, alors l’organisme va consommer à nouveau ses protéines (tissus musculaires et tissus maigres du corps) pour produire du glucose. À partir de là, l’individu peut se mettre véritablement en danger. On ne parlera plus de jeûne thérapeutique mais d’affamement.
Symptômes associés courants : les muscles vont fondre et les tissus vont se dégrader. Si la personne ne se réalimente pas, l’issue est la mort de l’organisme.
Cet article est rédigé par Estelle Sovanna et il est issu du magazine Régénère n°8 “La puissance du jeûne”